Montmorency - 🌲 La forêt de Montmorency en crise sanitaire 🌲
Alors que la forêt de Montmorency est en crise sanitaire, les équipes de l’Office national des forêts mobilisent de nouvelles techniques et des méthodes volontaristes pour faire face aux enjeux de la situation. Tout en renouvelant leur confiance en la nature, ils répondent aux interrogations de certains élus en précisant les réflexions et engagements qui ont conduit aux actions déployées pour assurer le futur d’une forêt renouvelée, résiliente, précieuse alliée contre le réchauffement climatique.
Une émotion partagée
Malade de l’encre, la forêt de Montmorency souffre. Le public s’émeut des coupes nombreuses que la maladie rend nécessaire. C’est compréhensible lorsque les paysages familiers changent si rapidement, si radicalement. Pour tous les forestiers, adeptes du temps long nécessaire à la croissance d’une forêt et des arbres qui la composent, c’est une souffrance aussi. « Ça fait plus de 35 ans que je m’occupe de cette forêt au quotidien, je n’imaginais pas qu’elle puisse mourir ainsi sur d’aussi vastes surfaces », témoigne Denis Hemmer, technicien forestier de la forêt domaniale de Montmorency depuis 1983. Enfin l’institution elle-même souffre de cette situation, qui ne rapporte rien au regard des coûts et des investissements considérables qu’elle engendre, indispensables à la reconstitution de la forêt.
Dans le traitement de cette crise, l’ONF a pu s’appuyer sur des techniques précises mêlant imagerie satellitaire et intelligence artificielle. Les équipes ont également fait le choix entre trois scénarios possibles.
Une aide nouvelle pour les forestiers : la technologie spatiale
C’est un projet inĂ©dit en France, basĂ© sur l’interprĂ©tation de photos prises par satellite. Cette interprĂ©tation rĂ©alisĂ©e grâce Ă l’intelligence artificielle permet aux forestiers de faire un Ă©tat des lieux prĂ©cis de l’état sanitaire des peuplements de châtaigniers malades de l’encre en ĂŽle-de-France. Initialement dĂ©veloppĂ© pour la forĂŞt domaniale de Montmorency, ce projet dont la mĂ©thode vient d’être Ă©prouvĂ©e sera Ă©tendu Ă la rĂ©gion francilienne, en lien avec l’ampleur rĂ©gionale que prend ce phĂ©nomène.Â
Grâce aux données géolocalisées, chiffrées « nos actions sont planifiées au plus juste, au plus près » précise Michel Béal, directeur ONF Île-de-France Ouest.
La maladie de l’encre, quésaco ?
La situation est aujourd’hui bien connue : identifié depuis de nombreuses années par les scientifiques de l’INRAE (Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement), il s’agit d’un pathogène microscopique (Phytophthora cinnamomi) présent dans la terre, qui se propage d’arbre en arbre dans l’eau du sol. Favorisé par les changements climatiques, il se développe dans les racines des châtaigniers, s’en nourrit, ce qui provoque leurs nécroses. Avec un système racinaire défaillant et des épisodes de sécheresses estivales, les châtaigniers ont de plus en plus de mal à s’alimenter en eau ce qui entraîne leur déclin puis rapidement leur mort. Il n’existe, à ce jour, aucun remède connu.
De la passivité au volontarisme
Forts des données recueillies et de l’expérience acquise lors d’autres événements d’ampleur comme la tempête de 1999, « nous avons imaginé 3 parcours possibles jusqu’à un horizon proche, disons 2030 », raconte Michel Béal.
- Premier scénario, le laisser-faire : propagation de la maladie, disparition des châtaigniers, chutes d’arbres et chablis, accroissement de la dangerosité de la forêt la plus visitée du Val d’Oise... Rapidement, la forêt devient infréquentable. Par décision des pouvoirs publics, son accès est interdit, comme 5 forêts domaniales du Pas-de-Calais l’ont été en 2016 à cause de la chalarose du frêne, le temps de sécuriser les lieux. Ce scénario n’a pas été retenu mais sera visible à Montmorency sur les ilots témoins qui seront créés à titre expérimental et pédagogique et où on laissera mourir les arbres. Des panneaux d’information et d’interdiction de pénétrer seront prochainement disposés à proximité.
- Deuxième scénario, l’intervention molle : des passages répétés au coup par coup pour enlever les arbres à un stade si avancé de la maladie qu’on ne peut plus les laisser en place. Résultat : des interventions si fréquentes sur le même lieu que la nature sera sans cesse bousculée, la faune dérangée en permanence, sans période de repos. « C’est le scénario de la faiblesse, du manque de clairvoyance et de courage, où on agit toujours avec un temps de retard ; ce n’est pas non plus le scénario choisi. », tranche Michel Béal.
- Troisième scénario, l’intervention résolue, volontariste pour reconstituer la forêt. C’est le scénario retenu : des coupes rapides sur de vastes surfaces et des plantations massives, qui permet ensuite de disposer du temps de la tranquillité et de la guérison. Par ce choix, l’ONF s’expose au moment des coupes et des plantations à la critique et aux incompréhensions du public.
Une nouvelle page pour la forĂŞt de MontmorencyÂ
Cette dernière option a aussi été retenue parce que les équipes de l’ONF croient en la résilience de la nature. « Cette forêt, nous l’aidons, parce que nous avons confiance en elle », précise Michel Béal, qui ajoute que « cette confiance est telle que nous investissons à perte aujourd’hui dans cette forêt ». En effet, le coût des travaux de reconstitution est bien supérieur aux ventes des bois malades. En remplacement des 500 hectares de forêt malade, un demi-million d’arbres seront plantés en quelques années représentant sept millions d’euros de travaux. À un horizon de 10 ans, les plants d’essences variées mis en terre, dont l’ONF accompagnera le développement, donneront naissance à une jeune forêt de près de 10 mètres de haut, vigoureuse et pleine d’avenir. L’ancienne châtaigneraie deviendra une forêt diversifiée.
De nombreuses essences ont été sélectionnées par les forestiers : chêne sessile (en essence socle) mais aussi alisier torminal, merisier, sorbier des oiseleurs, cormier, chêne pubescent, tilleul à petites feuilles, érable plane, érable champêtre, pin laricio… Les mélanges, 3 essences au minimum par opération de plantation, vont constituer demain une forêt plus résiliente que celle d’aujourd’hui. La richesse des interactions entre espèces la rendra plus forte et moins fragile aux impacts du changement climatique.
« Les impacts du changement climatique sont plus forts que prévus et c’est pour cela que nous intervenons : pour accélérer la reconstitution de la forêt de Montmorency et renforcer dès maintenant sa résilience pour l’avenir », conclut Michel Béal. « Nous croyons en la nature. Nous croyons aussi que dans ces circonstances exceptionnelles il est de notre devoir de l’aider ».